30 juin 2008 11:42 Il y a 2 jour(s)
Thème Pauvreté/Riches, Belgique, Gouvernement, Campagne pouvoir d'achat, Belgique
Fiscalité ::
Combien la réforme du ministre des Finances va vous coûterLe ministre des Finances prétend défendre notre pouvoir d’achat grâce à son projet de réforme fiscale. Mais il se permet contre-vérités, omissions, non-dits… Et cadenasse sa « rage taxatoire » : celle d’une TVA profondément injuste.
Marco Van Hees
«On paye trop vite trop d’impôts», affirme Didier Reynders pour justifier une nouvelle réforme fiscale. Pourtant sa réforme vise à rendre les riches plus riches. Qui alors paye trop vite, trop d’impôts ? (Photo Solidaire, Salim Hellalet)
1. Une réforme fiscale qui profite aux plus riches
« On paye trop vite trop d’impôts », affirme Didier Reynders pour justifier une nouvelle réforme fiscale. L’impôt des personnes physiques compte actuellement cinq tranches d’imposition (25, 30, 40, 45 et 50 %). Le ministre ne veut en garder que trois (25, 40 et 50 %). On cible ainsi les bas et moyens revenus, soutient-il.
Faux. Un bas ou moyen revenu ne bénéficierait que partiellement d’une telle mesure, alors que les plus riches s’en délecteraient pleinement, puisque leurs revenus couvrent l’ensemble des tranches visées.
Cette réalité est confirmée par l’évaluation budgétaire établie par… le cabinet Reynders. Sur les trois milliards d’euros que coûterait une telle réforme, un milliard irait aux 10 % les plus riches de la population (plus de 50 000 € brut par an).
Si l’on veut vraiment cibler les bas et moyens revenus, sans avantager les plus riches, cela peut se faire facilement en accordant un crédit d’impôt. Comme le propose la FGTB, par exemple : jusqu’à un certain salaire, vous recevez un chèque fiscal de 100 € par mois qui est directement déduit de votre précompte professionnel. Ou même, vous retouchez de l’impôt négatif, si vous êtes redevable de moins de 100 € d’impôts par mois.
2. La question que le ministre ne pose jamais
Osons une question indiscrète, voire déplacée : où le ministre va-t-il chercher les trois milliards de sa nouvelle réforme fiscale ? Il n’y a pas 36 solutions. Il y en a deux. Augmenter d’autres taxes (plus injustes) et/ou diminuer les dépenses de l’Etat. À quoi sert-il de payer 500 € d’impôts en moins si c’est pour payer 1 000 € en plus via la TVA, les frais scolaires, les soins médicaux, etc. ? Un seul exemple : si l’Etat ne subsidiait pas l’école, un couple ayant trois enfants devraient débourser 300 000 € rien que pour les études (du primaire au supérieur) des enfants.
3. La rage taxatoire, version Reynders
On sait que la baisse des impôts constitue le fonds commerce électoral de Didier Reynders. Mais pas de n’importe quel impôt. Ne venez surtout pas lui parler d’une baisse de la TVA. Or, il s’agit d’un impôt beaucoup plus injuste que l’impôt des personnes physiques, puisque chacun paye 21 %, qu’il soit petit pensionné ou grand patron de banque.
De 2002 à 2007, les recettes TVA sont passées de 19,6 à 25,5 milliards € . Une augmentation de six milliards (+ 30 %) en cinq ans. Deux fois la réforme fiscale de Reynders. S’il y a une véritable réforme fiscale à mener, c’est bien de réduire considérablement la part de cette taxe injuste.
Or, l’évolution est exactement inverse. Lors de l’introduction de la TVA, en 1971, le taux n’était que de 16 %. Depuis, il est passé successivement à 17 %, 19 %, 19,5 %, 20,5 % et 21 %. Par contre, le taux majoré sur les produits de luxe (25 %) a été complètement supprimé.
Et à l’avenir, les libéraux et la Commission européenne veulent continuer à augmenter les taxes indirectes : la TVA, les accises sur le carburant, les taxes sur l’eau et les déchets (au nom du « coût vérité »)…
4. L’homme qui parle à l’oreille des pauvres ?
Réduire la TVA ? Reynders y est farouchement opposé. Même sur des besoins de base comme le gaz et l’électricité. Est-il normal de payer le même taux pour du caviar que pour se chauffer ? Oui, soutient le ministre, car réduire la TVA sur l’énergie profiterait plus au riche qui chauffe sa piscine qu’à un pensionné à revenu modeste.
Pourtant, prenons la grosse villa que possède à La Hulpe son ami Michel Tilmant, le boss d’ING. La baisse de la TVA sur l’énergie ne lui rapportera à peine 0,04 % de son salaire de 4,4 millions €/an. Alors que pour un petit pensionné, cela représente facilement 2 % de son revenu.
Et puis, n’est-il pas étonnant de voir Reynders dénoncer une mesure qui profiterait aux riches ? N’est-ce pas grâce à sa réforme fiscale de 2001 que son ami Michel Tilmant réalise une économie d’impôt annuelle de… 200 000 € ?
5. Les 72 000 amis du ministre
On l’a dit, le ministre fait l’impasse sur la manière dont il financerait sa réforme fiscale. Une manière d’éluder ce débat de fond : il y a deux sortes de réformes fiscales, celles qui transfèrent de l’argent des bas et moyens revenus vers les plus riches (la sienne) et celles qui font l’inverse.
Sur le site internet Facebook, Didier Reynders a 526 supporters. Il pourrait facilement en avoir 72 000. Ce nombre est celui des millionnaires en dollars que compte notre pays, selon le tout récent rapport de Capgemini et Merrill Lynch. Ces riches toujours plus riches pourraient contribuer un peu plus aux finances publiques.
Mais le ministre veut épargner ses amis. Il refuse de taxer les revenus financiers de la même manière que les revenus du travail. Il refuse d’instaurer le moindre impôt sur la fortune (hormis le précompte immobilier, qui est un impôt sur… les petits patrimoines). Il refuse de taxer les plus-values sur actions (son ami Albert Frère l’en remercie). Il continue farouchement de prétendre que le secret bancaire n’existe pas, quitte à être contredit par… l’article 318 du code des impôts sur les revenus.
6. Le bon brut et les truands
Parmi les contre-vérités les plus pernicieuses du ministre Reynders, il y a aussi celle-ci : une augmentation du pouvoir d’achat ne peut venir que d’une baisse des impôts et non d’une hausse du salaire brut. Un principe qui ne vaut pas, bien sûr, pour les salaires plantureux des dirigeants des grandes entreprises. Reynders nous dira qu’on ne peut augmenter les charges salariales des entreprises sous peine de menacer leur compétitivité. Mais que disent les statistiques ?
De 1981 à 2006, les bénéfices des sociétés ont explosé : ils sont passés de 8 milliards € à 61,5 milliards €. La part de ces bénéfices dans le revenu national a ainsi doublé, passant de 9 % à 19 %. Et la part de leur revenu disponible (après transferts sociaux et fiscaux) a même été multipliée de deux fois et demi. Et ce ne sont pas les 2,4 milliards €/an que Reynders a offerts aux sociétés via les intérêts notionnels qui feront pencher la balance.
Par contre, sur la même période, la part des salaires a fortement baissé, passant de 57 % à 51 %. Ces 6 % ne disent pas grand-chose, mais ils représentent une perte de 19 milliards €. Cela représente près de 5 000 €/an par ménage. C’est autre chose que les promesses fiscales de Reynders…