mercredi 6 août 2003

Hiroshima, Nagasaki : c' était des crimes de guerre...

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Pierre Piérart : Ne pas oublier Hiroshima
Pierre Piérart : Ne pas oublier Hiroshima
Article paru dans la Libre Belgique du 6 août 2003
Ne pas oublier Hiroshima
Prof. PIERRE PIÉRARTVice-Président de l'Association médicale pour la prévention de la guerre nucléaire (AMPGN).
Cinquante-huit ans après les catastrophes de Hiroshima et Nagasaki, où en est le traité de non-prolifération? Faut-il craindre un retour en arrière?
Le 6 août 1945, dans la ville de Hiroshima, préservée des bombardements, il reste encore 300000 habitants sur environ 400000. A 8h15, la bombe, larguée par un B-29, explose dans un ciel radieux à 600m de haut provoquant flash radioactif, onde thermique et déplacement d'air incendiant et détruisant 70000 maisons sur un ensemble de 78000. Le jour même, il y aura 45000 morts et 130000 blessés dont 43000 grièvement qui ne pourront être assistés que par une dizaine de médecins et quelques infirmières encore plus ou moins valides. Le 1er septembre le nombre de décès était déjà de 70000, de 140000 à la fin de 1945 pour atteindre 200000 à la fin de 1950. La bombe, pouvant remplacer 2000 forteresses volantes, est présentée au public comme le moyen de hâter la fin de la guerre. Pendant les deux premières semaines du drame les morts étaient principalement causées par les brûlures et les traumatismes provoqués par les incendies et les effondrements des diverses constructions. Les médecins constatèrent ensuite que de nombreuses personnes décédaient indépendamment des blessures et des brûlures soit plus de 35000 correspondant à la moitié des décès pour la période allant du 1er septembre au 31 décembre 1945. Testée sur des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, la maladie des rayons allait s'atténuer pour être remplacée pendant des dizaines d'années par de nombreux cancers induits par les radiations ionisantes.
La fabrication des deux bombes, de Hiroshima (à l'uranium) et de Nagasaki (au plutonium), programmée dès 1942 par le projet Manhattan, mobilisa dans le plus grand secret des centaines de scientifiques et d'ingénieurs et plus de 130000 travailleurs.
L'extrême confidentialité du projet, dont le vice-président Truman ignorait tout, n'empêchera pas la production d'armes nucléaires par les Soviétiques dès 1949, par les Anglais en 1952, les Français en 1960 et les Chinois en 1964. Au cours de cette même année, l'Assemblée générale des Nations unies réclamera un traité pour mettre fin à la prolifération horizontale (augmentation démesurée des armes nucléaires et du nombre de pays détenteurs) et verticale (perfectionnement de l'arme nucléaire par les cinq du club atomique). Le Traité de Non-Prolifération (TNP) verra le jour en juin 1968 et sera signé à Londres, Moscou et Washington le 1er juillet de la même année; il entrera en vigueur le 5 mars 1970. Le TNP, bien que discriminatoire entre les cinq puissances nucléaires de jure et les autres pays, incomplet au sujet de la définition des armes nucléaires, imprécis concernant l'entreposage de ces dernières et tout à fait insuffisant par manque de sanctions, constitue néanmoins un premier outil de droit international qui empêche tant bien que mal le développement de ces armes.
Après un terme de 25 ans, le TNP a été renouvelé en 1995 pour une durée illimitée et légèrement consolidé en 2000, lors de la 6e Conférence de révision, par l'engagement des cinq grands en faveur d'une élimination ultime... des armes nucléaires sans toutefois en fixer le moindre agenda.
Sous la pression des républicains, le régime de non-prolifération a déjà commencé à se dégrader en 1999 quand le congrès américain a refusé de ratifier le Traité d'interdiction totale des essais nucléaires (CTBT). La situation s'est aggravée avec l'arrivée du président W. Bush. Lors de la Conférence du Comité préparatoire (PrepCom) de la révision du TNP en 2002, les Etats- Unis ont fait savoir qu'ils ne désiraient plus souscrire à l'article VI du TNP qui demande la fin de la course aux armements et une convention de désarmement nucléaire sous contrôle international strict et efficace. La volonté américaine de vouloir affaiblir ou même abroger le TNP s'est manifestée par un ensemble de signaux parmi lesquels l'on peut relever le retrait du traité sur les missiles antibalistiques (traité ABM), le refus de ratifier le CTBT, le projet «National Missile Defense» (NMD) ou bouclier antimissile rendu possible par l'abrogation du traité ABM, la militarisation de l'espace, les bombes nucléaires miniaturisées (mininukes) et celles plus puissantes et à pouvoir pénétrant élevé pour la destruction des abris souterrains. L'avenir du TNP est bien sombre, car on a oublié les promesses de la Conférence de révision du TNP de l'an 2000. Sont systématiquement rejetés l'entrée en vigueur du CTBT, l'interdiction de produire du matériel fissile à usage militaire, le principe d'irréversibilité pour les conventions de désarmement nucléaire, la réduction réelle des arsenaux nucléaires, l'application des traités existants, la reprise des entretiens sur la réduction des arsenaux stratégiques et spécialement tactiques, l'arrêt de la production de plutonium, de tritium, etc.
Il serait criminel d'abandonner le TNP dont l'article VI a été renforcé par la Cour Internationale de Justice de la Haye le 8 juillet 1996, dans la recommandation suivante: «Il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace.»
Pour sortir de l'enlisement du TNP et des très nombreuses résolutions à l'Assemblée générale des Nations unies qui condamnent l'emploi de l'arme nucléaire sans aboutir à un résultat concret, plusieurs ONG se préparent à soutenir un agenda de désarmement nucléaire. D'autres initiatives sont prises par des coalitions locales. Des responsables britanniques et français du réseau international Abolition 2000 organisent, pour octobre 2003, les journées du désarmement à Vénissieux près de Lyon. Un projet de désarmement nucléaire français et britannique devrait y être présenté dans l'espoir d'inciter Américains et Russes à enfin sortir du bois pour démanteler leurs arsenaux qui représentent toujours 90 pc des armes nucléaires de la planète. Une campagne dans ce sens sera probablement accueillie avec beaucoup de condescendance par les officiels, mais elle pourrait être soutenue par l'opinion publique afin de débloquer une situation figée. Cette initiative apportera sa contribution aux actions menées pour sauver le TNP.
Une autre initiative pourrait être prise par les cinq pays de l'Otan qui hébergent gracieusement les bombes nucléaires à gravité américaines B-61. Ces pays, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, les Pays- Bas et la Turquie seraient en infraction vis-à-vis de l'article II du TNP qui interdit à un pays non détenteur d'armes nucléaires d'accepter sur son territoire de telles armes. Ce point de vue est contesté par certains juristes officiels qui considèrent qu'il n'y a pas de cession, mais tout simplement «stationnement», même si les propriétaires des lieux participent activement, sur des avions à double capacité, aux missions programmées pour une dissuasion nucléaire de riposte graduée. En temps de guerre, ces cinq pays deviendraient des puissances nucléaires de facto. Ces membres très zélés de l'Otan sont coupables, du moins en esprit si pas à la lettre, de violation de l'article II du TNP auquel quatre d'entre eux ont adhéré en 1975 et la Turquie en 1980.
Ces membres de l'Otan peuvent refuser toute participation aux missions nucléaires pour raison d'ordre moral, de sécurité et de respect du droit international. Ces pays devraient non seulement réclamer le retour des 150 bombes B-61 aux Etats-Unis mais également la destruction des 214 bunkers souterrains des bases de l'Otan. Ces abris permettent à l'Alliance des transferts d'une base à l'autre comme cela a dû se passer lors du retrait, en 2001, des bombes de la base grecque d'Araxos. Une délocalisation de ces bombes vers les nouveaux membres de l'Otan, bien que non prévue aujourd'hui, serait en cas de «prétendue nécessité» considérée comme un véritable «casus belli» pour la Russie et donnerait raison à Georges Kennan qui considérait l'extension de l'Alliance comme «la pire erreur que les Américains ont faite avec ce pays depuis 50 ans» .
Indépendamment des subtilités juridiques concernant l'interprétation de l'article II du TNP et à l'instar de certains membres comme le Danemark et la Norvège, les cinq pays complices de la prolifération nucléaire en Europe ont parfaitement le droit d'exiger collectivement le retour à l'expéditeur des 150 bombes B-61. La présence de celles-ci dépend entièrement de la complaisance des gouvernements soumis à la pression de Washington qui contrôle le groupe de planification nucléaire de l'Otan où siègent nos ministres responsables.
Un projet adressé à Lord Robertson, ou à son successeur, ainsi qu'au gouvernement américain pour information, par les cinq pays ou une partie d'entre eux, constituerait un premier exemple européen d'application de l'article VII du TNP qui reconnaît explicitement le droit pour un groupe quelconque d'États de préparer une convention en vue de créer une zone de dénucléarisation. Ce serait un rappel utile du plan Rapacki de 1957 pour sauver un TNP moribond.