samedi 25 février 2006

Le train-train de l'occupation

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C' est devenu un nouveau bourbier vietnamien !
Ca rappelle aussi un peu Stalingrad !
RoRo

----- Original Message -----
From: Jean Marie Flemal
Sent: Friday, February 10, 2006 9:55 PM
Subject: Le train-train de l'occupation
Bonsoir,

Voici un petit article qui rend très bien la monotonie de l'existence quotidienne des troupes d'occupation. On aurait presque envie de relire les joyeuses facéties décrites par Courteline dans son "train de 8 h 47"... (*)
Bonne lecture et à la prochaine,

Amitiés,

JMF

OOO



Une journée des troupes américaines d’occupation en Irak
Rapport de la résistance irakienne sur les événements du mercredi 01 fév 06
Compilé par Muhammad Abou Nasr, membre de la rédaction de Free Arab Voice
(http://www.freearabvoice.org/)Mercredi 01 fév 06
Province d’Al-Anbar (Hit)
Six soldats américains tués dans une embuscade de la résistance à Hit
Dans une dépêche postée mercredi après-midi, Mafkarat al-Islam rapporte que les combattants de la résistance irakienne ont attaqué une patrouille américaine à pied sur la route public d’as-Sakalat, dans la ville de Hit, à quelque 140 km à l’ouest de Bagdad.
Le correspondant à Hit de Mafkarat al-Islam déclare que des témoins oculaires ont affirmé avoir vu les combattants de la résistance irakienne, armés d’armes légères et mi-lourdes ainsi que de roquettes antipersonnel, s’en prendre à la patrouille, tuant six militaires américains et en blessant huit autres.
Après l’embuscade, les forces américaines ont entouré la zone et ont amené des hélicoptères militaires pour évacuer les morts et les blessés.
Al-FallujahLes combattants de la résistance attaquent un camp militaire américain installé dans un complexe de logements d’Amiriyat al-Fallujah.
Dans une dépêche postée mercredi soir, Mafkarat al-Islam rapportait que les combattants de la résistance irakienne avaient attaqué le QG militaire américain installé dans le complexe de logements du quartier d’ Amiriyat al-Fallujah, dans le sud de la ville d’al-Fallujah, vers 18 heures, mercredi.
Le correspondant à Fallujah de Mafkarat al-Islam a rapporté qu’un certain nombre de combattants de la résistance, masqués et armés de lance-roquettes RPG7 et de grenades à main, avaient attaqué le QG. Un tireur d’élite de la résistance a pu abattre un sniper américain perché dans une tour d’observation du camp, donnant ainsi la possibilité aux combattants de la résistance de se replier en bon ordre et sans la moindre perte à l’issue de leur attaque. Les roquettes de la résistance ont marqué des coups directs sur le QG américain, alors que les combattants de la résistance tiraient avantage de la couverture d’un mur de terre que les Américains avaient construit eux-mêmes pour se protéger. Après l’attaque, les forces américaines à l’intérieur ouvraient le feu avec une grande intensité.
Le correspondant dans la région a rapporté que la situation en ville était tendue, depuis l’après-midi. Les hélicoptères américains n’ont plus quitté le ciel au-dessus des lieux. Durant tout un temps, les avions de guerre américains ont également quadrillé la zone que les Américains entouraient avec leurs blindés amphibies. Les Américains ont imposé un couvre-feu à partir de 21 heures et jusqu’à une date indéterminée.
Un soldat américain tué en patrouille dans le bas de la ville de Fallujah
Dans une dépêche postée à midi, heure de La Mecque, ce mercredi, Mafkarat al-Islam a fait savoir qu’un tireur d’élite de la résistance irakienne a abattu et tué un soldat américain en pleine ville de Fallujah, à environ 60 km à l’ouest de Bagdad.
Le correspondant de Mafkarat al-Islam a rapporté que des témoins oculaires avaient dit qu’une patrouille américaine à pied se déplaçait dans le centre de la ville quand une balle tirée par un tireur d’élite de la résistance irakienne a frappé l’un des militaires américains. Les témoins ont dit que la première balle n’avait pas tué l’homme. On l’a vu tomber par terre puis tenter de ramper vers une des barricades installées à l’extérieur du tribunal de Fallujah. Ensuite, le tireur d’élite tira deux nouveaux coups, tuant ainsi l’homme.
Le tireur de la résistance était apparemment perché au sommet des bâtiments du gouvernement municipal quand il tira ses coups de feu.
Dans une déclaration adressée au correspondant de Mafkarat al-Islam, une source de l’armée fantoche irakienne a confirmé qu’un militaire américain avait été tué par un sniper mercredi, en plein centre de Fallujah. Il a dit ensuite que les forces américaines avaient ensuite arrêté cinq hommes soupçonnés d’avoir été impliqués dans l’attaque.

Al-Habbaniyah
On rapport que quatre militaires américains ont été tués au cours des poses de bombes de la résistance, à al-Habbaniyah.
Dans une dépêche postée mercredi matin, Mafkarat al-Islam rapportait qu’une bombe avait explosé un peu plus tôt dans une station de pompage d’eau à al-Habbaniyah, à 69 km à l’ouest de Bagdad.
Le correspondant de Mafkarat al-Islam a rapporté que des témoins oculaires ont déclaré que la déflagration a totalement détruit un véhicule militaire américain, le réduisant en pièces détachées. Une source de la police fantoche locale, qui a demandé de garder l’anonymat, a confirmé que l’explosion de la bombe avait tué quatre soldats américains. Au moment où le rapport était adressé, les troupes américaines avaient bouclé la totalité du quartier.

Abou Ghourayb
Les Américains rassemblent les hommes barbus dans la ville d’Abou Ghourayb, les accusant de « terrorisme »
Dans une dépêche postée mercredi soir, Mafkarat al-Islam a rapporté que les forces américaines appuyées par les troupes fantoches irakiennes avaient lancé ce mercredi, vers 16 heures, heure locale, une campagne générale dans divers quartiers de la ville d’Abou Ghourayb, à quelque 30 km à l’ouest de Bagdad.
Le correspondant local de Mafkarat al-Islam a rapporté que les forces américaines ont arrêté des fidèles dans les mosquées, les rassemblant après qu’ils eurent terminé leurs prières d’après-midi.
Plus de 50 personnes ont été arrêtées, a rapporté le correspondant. Des témoins ont déclaré que des fidèles avaient été obligés d’escalader le mur arrière de la mosquée afin d’échapper à la capture par les Américains, lesquels s’étaient garés juste en face de la porte principale du lieu de culte.
Une source de la branche locale de l’Association des Érudits musulmans de l’Irak a raconté au correspondant que les Américains rassemblaient tous les hommes de la ville portant la barbe, en les accusant de « terrorisme ».
Le correspondant a rapporté que les troupes américaines ont emmené leurs captifs à la base américaine située à proximité du fameux camp de prisonniers d’Abou Ghourayb (Abou Ghraïb), après avoir laissé sur place un important contingent de soldats qui, au moment où le correspondant envoyait son rapport, encerclaient toujours la zone où venaient d’avoir lieu les arrestations massives.

BagdadUn conseil religieux permet aux sunnites de prier chez eux et de se raser la barbe afin d’éviter les campagnes d’arrestations massives lancées par les Américains
Dans une dépêche poste mercredi soir, Mafkarat al-Islam rapportait qu’à la suite des campagnes américaines d’arrestations massives visant les Irakiens sunnites dans diverses parties du pays, y compris – selon les propres dires de l’occupant – Bagdad, Baqubah, Samarra, Kirkuk, Mossoul, Ramadi et Fallujah, et au cour desquelles quelque 7.000 prisonniers ont été rassemblés, dont beaucoup tout simplement parce qu’ils portaient la barbe, le conseil de consultance juridique religieuse [Majlis al-Fatwa] de Bagdad a publié une mesure religieuse permettant aux musulmans sunnites de dire leurs prières chez eux, même s’ils habitent à proximité d’une mosquée et leur permettant également de se raser afin de ne pas éveiller les soupçons des autorités américaines d’occupation.
Le correspondant de Mafkarat al-Islam a rapporté que le cheikh Ahmad al-Khalil, l’un des érudits religieux du conseil, avait déclaré que, dans le cadre de la charia islamique, le conseil avait donné cette permission aux musulmans sunnites fréquentant les mosquées – fréquemment visitées par les Américains et où arrestations de masse et assassinats étaient devenus monnaie courante. Le cheikh a également dit que le conseil, en fait, ordonnait aux jeunes hommes de se raser la barbe puisque les troupes américaines et leurs valets arrêtent tout jeune sunnite portant la barbe – cela embarrasse beaucoup la communauté musulmane.
Le cheikh al-Khalil a déclaré que la fatwa serait communiquée à la communauté via les mosquées et des annonces écrites adressées au conseils de fatwa dans les diverses provinces irakiennes.
Le cheikh al-Khalil a dit qu’une délégation composée d’un certain nombre de chefs religieux d’al-Anbar, Mossoul, Samarra, Baqubah et Tikrit avait expliqué au conseil que les forces d’occupation avaient installé des barrages routiers auxquels elles arrêtaient tout simplement les hommes barbus et les fidèles des mosquées de ces villes, sans même leur demander leurs papiers officiels ni quel était leur emploi. Le cheikh al-Khalil a encore ajouté que la fatwa s’appuyait sur les règles de la charia telles qu’on pouvait les lire dans le libre saint de l’islam, le Coran, la pratique noble (la sunna) du prophète Mahomet.

La résistance bombarde la « Zone verte » à l’aide de roquettes Grad mercredi soir
Dans une dépêche postée mercredi soir, Mafkarat al-Islam a rapporté qu’un peu plus tôt, la résistance irakienne avait lancé quatre roquettes Grad dans la zone entourant le Palais de la République, dans la ville basse de Bagdad, le district dont les Américains ont fait leur QG de haute sécurité et surnommé la « Zone verte ».
Le correspondant de Mafkarat al-Islam a rapporté des environs de la « Zone verte » que trois panaches d’une épaisse fumée s’élevaient du complexe de bâtiments, près de la partie sud qui surplombe le Tigre. Quatre hélicoptères avaient décollé et survolaient la zone en lançant des fusées afin d’illuminer la zone de frappe. Les journalistes et les citoyens locaux ayant été empêchés de s’approcher, le correspondant n’a pu confirmer la nature spécifique ni l’ampleur des pertes.

Les forces de la résistance dressent une embuscade à un convoi de ravitaillement dans la banlieue d’al-Ghazaliyah, dans l’ouest de Bagdad
Dans une dépêche postée mercredi après-midi, Mafkarat al-Islam a rapporté que les combattants de la résistance irakienne avaient attaqué une colonne de ravitaillement conjointement accompagnée de troupes américaines et fantoches irakiennes, sur la grand-route à proximité de la banlieue d’al-Ghazaliyah, dans l’ouest de Bagdad.
Le correspondant de Mafkarat al-Islam a rapporté que des témoins oculaires ont dit que les combattants de la résistance, armés d’armes légères et mi-lourdes, avaient attaqué le convoi, mettant le feu à un camion citerne et à un camion chargé de provisions destinées aux troupes fantoches irakiennes. Deux camionneurs travaillant pour les forces d’occupation ont été blessés au cours de l’embuscade.

Cinq corps supplémentaires de sunnites irakiens découverts torturés et assassinés mercredi matin
Dans une dépêche postée mercredi vers midi, Mafkarat al-Islam a rapporté que la police fantoche irakienne avait retrouvé mercredi matin cinq corps d’inconnus, dont on croit qu’il s’agit d’Irakiens sunnites. Ces corps se trouvaient dans les canalisations de l’importante usine de traitement des eaux du district d’ar-Rustamiyah, à Bagdad.
Le correspondant de Mafkarat al-Islam a rapporté qu’une source, à l’hôpital al-Yarmouk, au centre de Bagdad, avait déclaré que c’était une patrouille de la police fantoche qui avait découvert les cinq cadavres, mercredi matin. Les corps étaient tous ficelés et portaient des marques de tortures. On les avait abattus d’une balle dans la tête. Les corps ont été conservés au réfrigérateur de la morgue de l’hôpital, comme d’habitude, attendant l’arrivée de proches susceptibles de pouvoir les identifier. La source a déclaré que jusqu’à présent, un seul des corps avait été identifié comme étant celui d’un jeune sunnite. Sa famille était venue, l’avait identifié et avait pu récupérer son corps, avait ajouté la source.
De nombreux cas dans lesquels les brigades de la secte chiite de Badr, pro-américaine, ou des membres des agences de sécurité du régime fantoche (largement noyautées par des membres des brigades Sadr) ont arrêté, torturé, assassiné, puis jeté les corps d’Irakiens sunnites ont été rapportés partout en Irak. La pratique est devenue beaucoup plus commune, tout particulièrement depuis que le « Premier ministre » Ibrahim al-Jafari, un membre de la secte chiite soutenu par les Américains, a accédé au pouvoir en 2005.

Les troupes américaines ouvrent le feu sur la voiture de l’ambassadeur du Canada à l’intérieur même de la « Zone verte »
Mafkarat al-Islam a rapporté mercredi après-midi que fonctionnaire du département d’État américain avait admis que les troupes américaines dans Bagdad occupée avaient ouvert le feu sur la voiture de l’ambassadeur du Canada, ce mardi. Personne n’a été blessé au cours de l’incident.
Mafkarat al-Islam a cité un rapport de Reuters qui, lui-même, citait le sergent (féminin) des services techniques des forces aériennes, Stacy Simon, qui avait confirmé que la voiture de l’ambassadeur canadien avait été endommagée par les tirs de l’armée américaine. « L’incident s’est passé dans la zone internationale [la zone qui entoure le Palais de la République, appelée la « Zone verte » par les Américains], ce mardi. Le véhicule de l’ambassadeur tentait de doubler un convoi américain. » Quand la voiture s’est arrêtée, les Américains ont ouvert le feu en face de la voiture même.

Province de Salah ad-Din
At-Tarimiyah
La résistance attaque à la bombe une colonne des « Gardes nationaux » fantoches, à at-Tarimiyah
Dans une dépêche postée mercredi après-midi, Mafkarat al-Islam a rapporté qu’une bombe de la résistance irakienne avait explosé à proximité d’une colonne de la « Garde nationale » fantoche irakienne, sur la route principale d’at-Tarimiyah, dans le nord de Bagdad.
La correspondant de Makkarat al-Islam à at-Tarimiyah a rapporté que des témoins oculaires avaient déclaré que la bombe avait détruit un véhicule Nissan de la « Garde nationale » fantoche, tuant trois gardes fantoches et en blessant deux autres.

Al-Mushahadah
On rapporte que deux soldats américains ont été tués par une bombe de la résistance près d’al-Mushahadah
Dans une dépêche postée mercredi après-midi, Mafkarat al-Islam a rapporté qu’une bombe de la résistance irakienne avait explosé à proximité d’une colonne militaire américaine sur la route reliant al-Mushahadah et le faubourg nord de Bagdad d’at-Taji.
La correspondant de Mafkarat al-Islam à al-Mushahadah a rapporté que des témoins oculaires avaient dit qu’une bombe plantée sous le bas-côté de la route vers le sud avait explosé au moment où une colonne américaine passait, détruisant un Humvee, tuant deux soldats américains et en blessant deux autres.

Province de Diyala
Al-MundhiriyahOn rapporte qu’un soldat américain a été tué par une bombe de la résistance à al-Mundhiriyah, près de la frontière iranienne
Dans une dépêche postée mercredi à midi, Mafkarat al-Islam a rapporté que la résistance irakienne avait fait exploser une bombe à proximité d’une patrouille militaire américaine dans le quartier de Sad, en pleine ville d’al-Mundhiriyah, à la frontière iranienne.
La correspondant de Mafkarat al-Islam a rapporté que le lieutenant-colonel Ahmad Mansour, de la police fantoche locale, a déclaré que la bombe avait explosé mercredi à 9 heures du matin, heure locale, détruisant un véhicule Humvee, tuant un soldat américain et en blessant trois autres.
Par la suite, les troupes américaines ont bouclé la zone pendant une heure et demie au cours de laquelle ils ont enlevé l’épave du Humvee et appelé un hélicoptère qui s’est posé et a emmené le mort et les blessés loin de la zone.

BaqubahOn rapporte qu’une bombe a détruit un véhicule civil mercredi matin à Baqubah
Dans une dépêche postée mercredi vers midi, Mafkarat al-Islam a rapporté que mercredi matin, vers 9 heures, heure locale, une bombe avait explosé sous le bas-côté de la route à l’embranchement en direction des ponts, dans le voisinage de Baquba, à 65 km au nord-est de Bagdad.
Le correspondant de Mafkarat al-Islam a rapporté qu’une source de la police fantoche locale, restée volontairement anonyme, avait dit qu’une bombe avait sauté lors du passage d’une voiture civile. La source a ajouté que la bombe avait tué un civil et blessé trois autres. Le correspondant n’a pu déterminer l’identité des victimes ni l’éventuelle raison de l’attaque.

Province d’At-Ta'mim
KirkoukMercredi matin, à l’aide de roquettes Grad, la résistance a bombardé une base américaine installée à l’aéroport de Kirkouk
Dans une dépêche postée mercredi matin, Mafkarat al-Islam a rapporté que les forces de la résistance irakienne avait tiré quatre roquettes Grad à l’intérieur de la base américaine installée à l’aéroport international de Kirkouk, ce mercredi matin.
Le correspondant à Kirkouk de Mafkarat al-Islam a rapporté que quatre roquettes Grad avaient explosé à l’intérieur de la base tôt ce mercredi matin, dégageant quatre gros nuages de fumée épaisse dans le ciel. D’autres bruits de puissantes explosions ont suivi les tirs de barrage effectués quelques secondes plus tard. Par la suite, des hélicoptères ont survolé la zone au-dessus de la base.

OOO

(*) Ici, le train de 8 h 47 vient de sauter sur une mine, de dérailler, de se faire mitrailler et tous les militaires qu'il transportait ont vu leurs permissions suspendues... Bien fait pour leur gu..., nom de Dieu !!! Mais, j'y pense, y a-t-il un chemin de fer, en Irak ?

vendredi 6 janvier 2006

Droits de l'Homme ou droit du plus fort?

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----- Original Message -----
From: Michel Collon
Sent: Friday, January 06, 2006 5:41 PM
Subject: [forumrougesvifs] Interview de Jean Bricmont
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Droits de l'Homme ou droit du plus fort?
Interview de Jean Bricmont, auteur d'Impérialisme humanitaire
Dans son nouvel ouvrage, Impérialisme humanitaire, Jean Bricmont dénonce l'utilisation du prétexte des droits de l'homme pour justifier les agressions contre les pays du Sud. Rencontre avec un pacifiste et un intellectuel engagé.Interview : Joaquim Da Fonseca& Michel CollonComment un professeur de physique théorique en vient-il à écrire un livre sur l'impérialisme?Jean Bricmont. Je me suis toujours intéressé à la politique, au moins de façon passive. Le début de mon engagement remonte à 1999: il a été suscité par la guerre contre la Yougoslavie. Les motifs humanitaires invoqués par les Etats-Unis pour justifier cette agression m'ont rendu perplexe. J'ai également été choqué par le manque d'opposition de la gauche - et même, en partie, de l'extrême gauche - face à cette agression.J'ai été invité à donner des conférences dans toutes sortes de milieux: églises protestantes, mouvement musulmans, cercles étudiants, Attac... Mon ouvrage Impérialisme humanitaire est, entre autres, une réaction aux préoccupations et propos tenus par les personnes et les groupes rencontrés lors de ces conférences. Ce livre est aussi une réponse à l'attitude de certains militants politiques se disant de gauche. Au nom des droits de l'Homme, ils légitiment les agressions contre des pays souverains. Ou ils réduisent à tel point leur opposition qu'elle devient symbolique.A la poubelle, les droits de l'homme?Jean Bricmont. Je défends les aspirations contenues dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948. Elle contient un ensemble de droits économiques, sociaux, politiques et individuels. Le problème survient lorsque le non-respect, réel ou supposé, de ces droits, sert à légitimer la guerre, l'embargo et autres sanctions contre un pays. Lorsque les droits de l'Homme deviennent prétexte d'une ingérence violente.De plus, la Déclaration n'est souvent lue qu'en partie. Quand on parle de respect des droits de l'homme, les droits économiques et sociaux importent souvent peu par rapport aux droits individuels et politiques. Prenons la qualité des soins de santé à Cuba. Il s'agit du développement tout à fait remarquable d'un droit socio-économique. Il est pourtant totalement ignoré.Admettons que Cuba corresponde parfaitement à la description très critique qu'en fait Reporters sans frontières, cela ne diminue en rien l'importance de la qualité des soins de santé. Lorsque l'on parle de Cuba, si l'on émet des réserves sur le respect des droits politiques et individuels, il faudrait, au moins, mentionner l'importance des droits économiques et sociaux dont les Cubains bénéficient. On pourrait alors se demander ce qui est le plus important: les droits individuels ou les soins de santé? Pourtant, personne ne raisonne comme cela. Le droit au logement, à l'alimentation, à la sécurité d'existence ou à la santé est en général ignoré par les défenseurs des droits de l'homme.Justement, votre livre indique que ces éléments sont ignorés dans les campagnes médiatiques contre les pays socialistes, comme Cuba ou la Chine. Vous écrivez que quatre millions de vies auraient pu être sauvées si l'Inde avait adopté la voie chinoise.Jean Bricmont. Les économistes Jean Drèze et Amartya Sen estiment que, partant d'une base similaire, la Chine et l'Inde ont suivi des chemins de développement différents et que la différence entre les systèmes sociaux de ces deux pays entraîne 3,9 millions de morts supplémentaires par an en Inde.En Amérique latine, 285000 vies seraient sauvées chaque année si le système cubain de santé et d'alimentation y était appliqué.Je ne dis pas que des performances en matières sociale et économique peuvent justifier des lacunes dans d'autres droits. Mais personne n'affirmera l'inverse: le respect des droits individuels et politiques ne peut justifier que les droits sociaux et économiques soient bafoués. Pourquoi les défenseurs des droits de l'homme ne tiennent-ils jamais de tels propos?Revenons à Cuba. Le manque de libertés individuelles peut-il être justifié par les soins de santé performants? Cela se discute. Si, à Cuba, un régime pro-occidental était en place, les soins de santé ne seraient sûrement pas aussi performants. C'est, du moins, ce que l'on en déduit si l'on constate l'état sanitaire dans les pays «pro-occidentaux» d'Amérique latine. Donc, en pratique on se trouve devant un choix: quels types de droits sont les plus importants: sociaux-économiques ou politiques et individuels?On voudrait avoir les deux ensemble. Le président vénézuelien Chavez, par exemple, essaie de les concilier. Mais la politique d'ingérence américaine rend cette conciliation difficile dans le tiers monde. Ce que je veux souligner, c'est que ce n'est pas à nous, en Occident, qui bénéficions des deux types de droits, à faire ce choix. Nous devrions plutôt consacrer notre énergie à permettre un développement indépendant des pays du tiers monde. En espérant qu'à terme, le développement favorise l'émergence de ces droits.La perception des droits de l'Homme et du devoir d'ingérence n'est-elle pas fort différente selon que l'on vit au Nord ou au Sud de la planète?Jean Bricmont. En 2002, peu avant la guerre contre l'Irak, je me suis rendu à Damas (Syrie) et à Beyrouth (Liban). J'y ai rencontré un certain nombre de gens. Dire qu'ils étaient opposés à la guerre contre l'Irak relève de l'euphémisme. Et cela même dans l'université américaine de Beyrouth. L'anti-américanisme, et l'opposition farouche à Israël, y étaient à couper au couteau!Lorsque je suis revenu en Belgique, je n'ai perçu aucun écho de cela! Prenons la question du désarmement de l'Irak. Certains membres du CNAPD [coordination belge anti-guerre] m'affirmaient qu'il fallait imposer ce désarmement, certes pas par la voie militaire, mais par des moyens pacifiques. Si de tels propos sont tenus au Moyen-Orient, les gens vous répondent directement: «Et Israël, pourquoi ne faut-il pas désarmer ce pays?»En Amérique Latine et dans le monde arabo-musulman surtout, la perception du droit international est totalement différente de ce qu'elle est chez nous, même dans la gauche et l'extrême gauche. Ces derniers ne semblent pas s'intéresser à ce que pensent les populations directement concernées par nos ingérences.Pourquoi? Par nombrilisme, par ethnocentrisme?Jean Bricmont. Lors de la décolonisation et de la guerre du Vietnam, la gauche a mis en avant une nouvelle réflexion. Elle a défendu un point de vue anti-impérialiste en matières économique, militaire, sociale.Depuis, cette réflexion a été laminée par l'ingérence au nom des droits de l'homme. L'opposition au néo-colonialisme a été remplacée par la volonté d'aider les peuples du Sud à lutter contre leurs gouvernements dictatoriaux, inefficaces, corrompus... Les défenseurs de cette option ne réalisent pas l'étendue du gouffre les séparant des peuples du tiers-monde. Ceux-ci n'acceptent généralement pas l'ingérence des gouvernements occidentaux dans leurs affaires intérieures.Bien sûr, beaucoup d'entre eux aspirent à des gouvernements plus démocratiques ou plus honnêtes. Mais dans quels buts? D'abord pour que leurs dirigeants assurent une gestion rationnelle de leurs ressources naturelles, pour obtenir de meilleurs prix pour leurs matières premières, pour que leurs dirigeants les préservent de la mainmise des multinationales et même pour construire des armées puissantes.Quand, ici, certains parlent de gouvernements plus démocratiques, ce n'est pas du tout à cela qu'ils font référence. Des gouvernements véritablement démocratiques au Sud ressembleraient plus à celui de Chavez qu'au gouvernement irakien actuel.N'y aurait-il pas un fond d'idéologie coloniale?Jean Bricmont. Peut-être, mais dans le cadre d'un langage post-colonial. La colonisation, tous la condamnent. Ceux qui défendent les guerres actuelles affirment que les ingérences humanitaires sont «totalement différentes» du colonialisme. Force est pourtant de constater la continuité dans le changement. Les ingérences ont d'abord été légitimées par le christianisme, puis par une mission civilisatrice. Par l'anti-communisme aussi De tout temps, notre prétendue supériorité est censée nous autoriser à commettre une série d'actions monstrueuses.Quel est le rôle des médias dans la propagation de cet «impérialisme humanitaire»?Jean Bricmont. Fondamental. Dans le cas de la guerre en Yougoslavie, les médias s'étaient employés à préparer l'opinion publique à de telles attaques. Concernant l'Irak, les journalistes répètent sans cesse: «Tout de même, il est bon que Saddam Hussein ait été renversé.» Mais dans quelle mesure est-il légitime que les Etats-Unis renversent Saddam Hussein? Voilà une question qui n'est jamais posée par les journaux. Les Irakiens considèrent-ils cette ingérence comme bénéfique? Si oui, pourquoi sont-ils plus de 80% à souhaiter le départ des Etats-Unis? La presse critique les Etats-Unis, mais la critique porte surtout sur les moyens utilisés pendant la guerre et pendant l'occupation, pas sur le principe même de l'ingérence.Avec un président démocrate, les Etats-Unis seront-ils moins enclins à mener des guerres?Jean Bricmont. Cela dépend beaucoup de la manière dont se terminera l'occupation de l'Irak. Aux Etats-Unis, beaucoup de voix s'élèvent pour le retrait des troupes. Un climat de panique s'est installé dans de nombreux secteurs de la société.Si, comme au Vietnam, la guerre d'Irak se termine par une catastrophe pour les Américains, un repli significatif pourrait se produire pendant un certain temps. S'ils parviennent à se retirer en douceur, sans y perdre trop de plumes, ils pourraient alors très rapidement repartir en guerre. Mais c'est une illusion, très vivante, de croire que les démocrates sont moins agressifs ou ne prônent pas d'interventions militaires.Pourquoi la riposte des progressistes européens à la guerre est-elle si faible?Jean Bricmont. Les écolos, la gauche socialiste, les partis communistes traditionnels, les trotskistes et la plupart des ONG ont, en effet, fait preuve d'une faible opposition. Ces courants ont été laminés par l'idéologie de l'ingérence humanitaire en abandonnant toute référence sérieuse au socialisme dans leur programme. Une partie de cette gauche a substitué la lutte pour les droits de l'homme à ses objectifs initiaux d'améliorations ou de révolutions sociales.Comme il est difficile, pour ces mouvements, de défendre une guerre des USA contre la Yougoslavie ou l'Irak, ils adoptent cette position, assez confortable, du «Ni Ni». Elle permet d'éviter toutes les critiques: «Ni Bush ni Saddam». Je peux comprendre, évidemment, que l'on n'aime pas Saddam Hussein. Mais le «Ni, Ni» va bien au-delà de cette constatation.D'abord, cette position ne reconnaît pas la légitimité du droit international. Elle ne distingue pas agresseurs et agressés. Pour faire une comparaison, il aurait été difficile, pendant la seconde guerre mondiale, de tenir des propos comme «Ni Hitler, Ni Staline» sans être considéré comme collaborateur.Ensuite, cette formule fait fi de la force de nuisance des Etats-Unis depuis 1945. Depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, ils interviennent dans toutes les parties du monde pour soutenir ou installer des forces conservatrices, réactionnaires, du Guatemala au Congo, de l'Indonésie au Chili.Partout, ils se sont employés à tuer l'espoir de changement social des pauvres. C'est eux, et non Saddam Hussein, qui veulent renverser Hugo Chavez. La guerre du Vietnam, ce n'était pas non plus le fait de Saddam. Même si on admet le discours de diabolisation contre Milosevic ou Saddam Hussein, les mettre sur le même pied, au plan mondial, que les USA est totalement injuste et faux.Enfin, ce qui me dérange le plus dans ce «Ni, Ni» c'est la position que nous prenons vis-à-vis de notre propre responsabilité en adoptant de tels slogans.Lorsque nous voyons des politiques qui ne nous plaisent pas dans le tiers monde, il faut commencer par en discuter avec les gens qui vivent là-bas, et le faire avec des organisations représentatives des masses, pas avec des groupuscules ou des individus isolés. Il faut essayer de voir si leurs priorités sont les mêmes que les nôtres.J'espère que le mouvement altermondialiste mettra en place des canaux permettant une meilleure compréhension des points de vue du Sud. Pour l'instant, la gauche occidentale a tendance à rester dans son coin, tout en ayant très peu d'influence là où elle vit et en jouant indirectement le jeu de l'impérialisme, en diabolisant l'Arabe, le Russe, le Chinois... au nom de la démocratie et des droits de l'homme.Ce dont nous sommes principalement responsables, c'est de l'impérialisme de nos propres pays. Commençons donc par nous attaquer à cela. Et de façon efficace.Jean Bricmont. Impéralisme humanitaire. Droits de l'Homme, droit d'ingérence, droit du plus fort?, Ed. Aden, 2005, 253 pages, 18 euros. On peut commander aux éditions Aden :http://www.rezolibre.com/librairie/detail.php?article=98VOIR AUSSI : Biographie de Jean Bricmonthttp://www.michelcollon.info/bio_invites.php?invite=Jean%20BricmontJean Bricmont - Quelques remarques sur la violence, la démocratie et l'espoir:http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2005-03-16%2017:32:42&log=invitesJean Bricmont - Européens, encore un effort si vous voulez vous joindre au genre humain!http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2003-02-16%2018:24:22&log=invitesJean Bricmont & Diana Johnstone - Les deux faces de la politique américainehttp://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2001-11-07%2018:35:48&log=invitesSUR LA GUERRE EN IRAK ET SES CAUSES, VOIR AUSSINouveau livre "Bush, le cyclone" : http://www.michelcollon.info/bush_le_cyclone.php