mercredi 11 août 2004

"L' Insurrection du Ghetto de Varsovie" : Voir : écrit en 1955

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"L' Insurrection du Ghetto de Varsovie" : Voir : écrit en 1955


Je publie progressivement pour tenter de lever un peu le brouillard entretenu par les services occidentaux de propagande anti-soviétique et anti-communiste à propos de la date anniversaire du 1er août 1944 ...
RoRo



Le 21 septembre 1939, Reinhardt Heydrich, chef de la police de sécurité du Ille Reich, adressa à tous les responsables de la police de sécurité le télégramme dit « Schnellbrief» où il était question de la population juive des pays occupés. On y parlait d'un « but final» à atteindre et des voies et moyens qui permettraient d'y parvenir. C'était la condamnation à mort de la population juive: un grand nombre de ses 'membres, était-il dit dans le télégramme, font partie d'organisations terroristes; il faudra donc la rassembler dans des ghettos qu'on installera dans des villes ou à proximité de villes desservies par le chemin de fer; cette concentration de la population juive facilitera son extermination.Il faut dire qu'à l'époque où Heydrich transmettait ses instructions secrètes, les cercles dirigeants duIlle Reich avaient envisagé divers projets relatifs à la manière d'anéantir lesjuifs dans leur totalité. Bien avant l'agression contre la Pologne, ils avaient pensé reléguer les juifs d'Europe à Madagascar dont ils semblaient attendre beaucoup du climat. Ce projet avait reçu l'approbation de la sanacja 1. Les 12 et 25 juillet 1940, le gouverneur général Frank précisait en effet que les Juifs polonais devraient être déportés dans la grande Ile.Mais ce projet ne put être réalisé. On s'en tint donc aux moyens indiqués dans le télégramme d'Heydrich.L 'heure de l'agression contre l'Union soviétique approchait. Le commandement suprême de la Wehrmacht avait le souci de protéger ses arrières. Keitel exigea que les Juifs fussent sans délai expulsés de Varsovie. En avril 1941, il visita la capitale de la Pologne en compagnie de Frank. Peu de temps après, l'entreprise d'anéantissement entra en action. Dès le mois de juillet 1941, elle fonctionna à plein.En octobre 1941. un assassinat massif de Juifs eut lieu dans les forêts du district de Konin.En décembre1941, à Chelmno, à douze kilomètres de Kolo, la première usine de mort connut déjà une grande activité: on y gaza les condamnés du pays de la Warta; de décembre1941 à avril 1942, 40.000 Juifs et Gitans y trouvèrent la mort.Le 16 décembre1941, à Cracovie, à la réunion des « gouverneurs» du Gouvernement général, Frankdéclara au nom du Führer : « Tout ce que j'ai à attendre des Juifs, c'est qu'ils disparaissent.» Il recommanda aux membres de son auditoire de savoir être cruels, d'ignorer la pitié et la compassion.Le 20 janvier 1942, à Berlin. dans les locaux de la police de sécurité (R.S.H.A.), se tint une conférence àlaquelle participèrent les représentants de la direction du parti nazi, ceux de la Chancellerie du Reich, duMinistère de la Justice, de la police de sécurité du Gouvernement général, du Ministère de l'Intérieur, de la

1. Sanacja : nom de la clique de Pilsudski qui se targuait « d'assainir» la vie politique du pays par là suppression du régime des partis.

Direction du «Plan quadriennal» du Service principal de la Race, du Service de la déportation... Dans sondiscours de clôture, Heydrich appela les membres de la conférence à contribuer efficacement à l'action qui se donnait pour but « la solution finale de la question juive» .Le 18 juin 1942, à la réunion des «gouverneurs» du Gouvernement général, il fut encore discuté de l'anéantissement des Juifs. Gruger, chef suprême des S.S. et de la police dans le Gouvernement général, fut chargé par les autorités hitlériennes d'organiser la déportation des Juifs polonais et de les « liquider» jusqu'au dernier. Mais dans le monde hitlérien, les ordres étaient exécutés avant même d'avoir été donnés. Depuis le mois de mars 1942, les Juifs polonais étaient en effet dirigés sur des camps de la mort. Le 17 du même mois, les Juifs de Lublin étaient arrivés à Belzec où 30.000 d'entre eux devaient périr.Puis vinrent les procédés de destruction massive, systématique et radicale. Avant d'en arriver là, les hitlériens allaient user de méthodes variées et comme camouflées: celles qui tuent implacablement, certes, mais qui ne tuent que petit à petit. Car il y aura eu un calcul et une méthode pour mener à bien cette extermination progressive.On usera de la terreur et du pillage, de l'internement et des travaux forcés pour en arriver à la dernière étape, celle des camps d'extermination.Le2 octobre1940, le gouverneur Fischer avait ordonné qu'un ghetto fut créé à Varsovie. Plus de 450.000 personnes avaient été séparées du reste du monde par une haute muraille. Il avait été hypocritement déclaré que cette mesure avait été prise pour éviter le danger de contagion en cas d'épidémie.Au même moment il avait été ordonné aux Juifs de porter un brassard blanc; il leur avait été interdit de voyager en chemin de fer; ils avaient été mis dans l'obligation de déclarer leurs biens immobiliers et partie de leurs biens mobiliers; ils avaient été astreints, à des fins de rééducation, avaient proclamé les ordonnances du Gouvernement général, au travail forcé.Il ne fut jamais laissé de répit à la population du ghetto. Chaque jour amenait sa terreur nouvelle. Les morts s'ajoutaient aux morts. Pour gagner de la place, les Allemands réduisaient graduellement les limites del'enceinte infernale. Les enfermés devaient continuellement émigrer au sein de leur propre ville. Malgré lesdécès, la densité de la population s'élevait d'une manière incroyable. Dans la première moitié de I942, treize personnes en moyenne logeaient dans une seule pièce. Et cependant, par milliers, les Juifs de la province polonaise, les « réfugiés», étaient transférés dans le ghetto où, en I94I, on compta un demi-million d'habitants.A l'occasion de ces transferts à l'intérieur du ghetto, le cynisme hitlérien se donnait libre cours. Le commissaire du ghetto, Auerswald, un avocat de Berlin, membre du Parti national-socialiste, donna, le 2 septembre I94I, l'ordre d'évacuer dans les huit jours les immeubles situés au sud de la rue Sienna (immeubles des rues Twarda, Sosnowa,Wielka). L'ordre précisait que lespropriétaires des locaux évacués étaient tenus, sous peine d'amendes considérables,de les laisser en parfait état de propreté.Le pillage des biens fut rationnellement organisé.Tout ce qui possédait une valeur quelconque fut enlevé. Sur ce sujet les documents hitlériens sont d'une éloquence extrême. En janvier I942 furent sortis du ghetto des biens pour une valeur de 3.736.000 zlotys; en février pour une valeur de 4.738.000 zlotys; en mars pour une valeur de 6.045.000 zlotys; en avril pour une valeur de 6.893.800 zlotys.L'isolement, le manque de nourriture et le manque 'hygiène, l'inquiétude constante,l'insécurité, la terreur : les maladies trouvèrent là un foyer idéal. Elles décimèrent d'abord les familles les plus pauvres. L'occupant se réjouissait; il avait la conviction que sans plus d'effort de sa part l'extermination se ferait comme d'elle-même.Jusqu'à la première grande action liquidatrice de l'été de 1942, la famine et les épidémies firent seules leur oeuvre. Elles étaient des armes efficaces.Affamer le ghetto permettait à la fois de le piller et d'en anéantir la population. Cette tactique avait l'accord du commissaire Auerswald, du gouverneur Frank, des pontifes de la Gestapoet des grands chefs hitlériens.Pour tuer par la faim on employa deux moyens. l'un indirect qui consistait à priver la population juive de toute possibilité de gagner sa vie, l'autre direct qui consistait à la priver de noumture.On lit dans l'un des journaux clandestins du ghetto: Pour notre et votre liberté, que le 30 juin 1941, il y avait 27.000 personnes professionnellement actives pour une population de 550.000 habitants. Encore faut-il préciser que les ouvriers d'usines et les artisans ne travaillaient pas de manière permanente. Dans 90 % des cas, les entreprises commerciales n'étaient que de petites épiceries. La proportion des gens qui ne disposaient d'aucune ressource était de l'ordre de 60 %. 130.000 personnes fréquentaient les soupes populaires. La famine frappait 70 % de la population.Heureux ceux qui réussissaient à se faire embaucher dans les usines installées en plein enfer par les capitalistes allemands, les Walter Cesar Toebbens, les Hallmann, les Schultz. Mais on n'y acceptait que ceux qui pouvaient disposer d'outils ou de machines pour le travail à domicile. Heureux les élus même si, pour une journée de travail harassant accompli à une cadence accélérée, un ouvrier hautement qualifié ne recevait qu'une paie théorique de 4 à 7 zlotys! Une fois payées les deux soupes liquides servies par l'entreprise, le salaire réel était de l'ordre de 2 zlotys et demi à 5 zlotys. Or, au marché noir, un kilo de mauvais pain se payait 10 à 12 zlotys, un kilo de pain blanc coûtait 20 à 25 zlotys, un kilo de matière grasse 250 zlotys.Un travailleur manuel ordinaire gagnait 3 zlotys par jour.Les employés de bureau étaient enviés: leur salaire de famine atteignait 200 et même 500 zlotys par mois.Ceux qui chômaient étaient automatiquement condamnés à mourir de faim. Il y eut des métiers ou des professions qui perdirent toute importance, entre autres les métiers liés au commerce et les professions libérales. Les intellectuels eurent à supporter durement la misère des temps hitlériens. Mais, comme le note un journal clandestin, Unzer Weg, « l'ouvrier juif fut la première victime de la famine » La famine. Et, dans un pays où l'hiver est cruel, le manque de vêtements. Le chroniqueur Ringelblum écrivait: A chaque pas on peut rencontrer dans la rue des gens dépourvus de vêtements et seulement habillés de manteaux en lambeaux fermés avec des épingles pour cacher l'absence de che- mise. Ie problème de l'habillement devient véritablement dramatique. Les gens vont quasiment nus.

Tuer par la faim. Là encore tout fut savamment prémédité. Il y eut une politique discriminatoire du ravitaillement. On calcula par calories. A Varsovie, les Allemands avaient droit à 2.310 calories par jour, les étrangers amis des Allemands à 1.790 calories, les Polonais à 634 calories, les Juifs à 184 calories.On ne s'en tint pas là. Les calories devaient se payer. Or, plus le nombre de calories reçues par une catégorie onnée d'ayants droit était petite, plus le prix de la calorie était cher. La calorie coûtait 0 zloty 3 aux Allemands, 0 zloty 8 aux étrangers, 2 zlotys 6 aux Polonais, 5 zlotys 9 aux Juifs.Alle-La ration mensuelle de l'habitant du ghetto consistait en 2 kilos de pain et 250 grammes de sucre. Le pain contenait une forte proportion de sciure de bois ou d'épluchures de pommes de terre. Il était gluant.La faim. Au numéro 13 de la rue Krochmalna, une femme folle d'avoir faim dévora en partie le cadavre d'un enfant.Mais tout le monde dans le ghetto ne mourait pas de faim. Le ghetto possédait sesdi fférenciations sociales et qui étaient là..plus criantes qu'ailleurs. Les riches entrepreneurs. les spéculateurs, ne manquèrent jamais de rien. Ces privilégiés n'étaient cependant qu' une faible minorité. Un journal clandestin estimait que 50 % de la population mourait littéralement de faim, que 30 % souffrait normalement de la famine, que 15 % était sous-alimenté. Seules 10.000 personnes environ vivaient aisément et dans certains cas mieux qu' avant guerre. C'est sans nul doute à leur intention qu' en février 1942, 20.000 litres de vodka furent introduits dans le ghetto.L 'horreur et l'épouvante emplissaient les rues du ghetto. Cadavres alignés et accumulés devant les portesdes maisons et à peine recouverts de lambeaux de papier. Bandes d'enfants errants et qui mendiaient en psalmodiant la fameuse chanson du ghetto: « Bonnes gens, ayez pitié; papa est mort de faim et de misère; jetez-nous un morceau de pain. » Parfois ces mêmes enfants se jetaient sur les gens qui passaient portant dans leurs mains leurs rations de pain, la leur arrachaient et la dévoraient aussitôt. Les plus audacieux franchissaient, d'une manière ou d'une autre, la muraille. Ils allaient mendier dans la partie «aryenne» de la ville ou rendre visite à des.familles polonaises qui les secouraient régulièrement. La police bleu-marine polonaise sur ordre des autorités nazies leur donnait la chasse.Quiconque étaitpris était battu jusqu'au sang. Le 8 novembre 1941, le Tribunal extraordinaire de la police de sécurité prononça pour la première fois une condamnation à mort contre deux juifs coupables de s'être glissés clandestinement hors du ghetto. Le 12 novembre suivant, huit autres personnes furent condamnées à mort pour le même motif. L'exécution par pendaison eut lieu le 17 novembre en présence de la police bleu-marine polonaise et de la police juive du ghetto. Parmi les suppliciés se trouvaient des mèresde famille. La plüs jeune des victimes, une jeune fille de 16 ans, s'écria au moment suprême: « Bandits, le même sort vous attend. » A partir de 1942, ceux qui furent surpris à franchir clandestinement la muraille furent exécutés sur place. Il fallait mourir de faim.Le typhus sous toutes ses formes ajouta aux hécatombes provoquées par la famine. Aussi le taux de la mortalité augmenta-t-il d'un mois à l'autre 1.Les ouvriers et les réfugiés furent les plus fortement frappés. Dans sa majorité, le prolétariat juif fut décimélongtemps avant les grandes actions liquidatrices.Mais la faim ne fait pas qu'affaiblir physiquement l'individu. Avant de l'achever, et pour l'achever plus vite, très souvent elle anéantit en lui le désir même de vivre. Elle le déprime moralement, elle le rend passif,apathique, résigné.« La vie sans pain, sans une cuillerée de soupe, et cela pendant de longues années, écrit le
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1. Mortalité, d'après Morgen Frai, n°2, 29 janvier 1942.

1938 1940 1941 1942

Janvier.. 454 3.173 898 5.123

Février.. 380 1.178 1.O25 4.618
Mars 370 1.603 1..608 4.951
Avril 450 1.000 2.061 4.432
Mai 454 875 3.821 5.283



(Si certains camarades souhaitent progressivement recevoir une suite à ce texte, écrit en 1955, ils doivent m' en faire expressément la demande. C'est encore un travail de longue haleine.
Merci ! RoRo
02 août 2004)
- mise à jour du 10 août 2004
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