dimanche 6 avril 2008

1 Tiens! tiens! un éclair de lucidité ?]



-------- Message original --------

Sujet: Tiens! tiens! un éclair de lucidité ?
Date: Sun, 6 Apr 2008 00:06:56 EDT
Pour :: Xarlo@aol.com


ça va mieux en le disant...
Vu le jacobinisme ambiant, il joue sa vie, le pauvre...
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Décentralisation
Les provinciaux secouent Paris

Quand il s'agit des Slovaques, des Monténégrins, des Chypriotes ou des Ecossais, les Français sont capables de comprendre que la revendication d'autonomie a un caractère progressiste. Quand il s'agit de la Guadeloupe, cette revendication est déjà moins bien admise en France. Quand il s'agit des régions métropolitaines, elle l'est rarement ou pas du tout. Bien que la gauche française, comme l'écrit Yvon Le Vaillant (1) «s'aperçoive avec une certaine stupéfaction que l'exigence d'une révolution régionaliste est peut-être le préalable de la démocratie et du socialisme», les barrières mentales qu'il reste à abattre demeurent formidablement solides. C'est ce dont témoigne un ouvrage tout récent, dû à de hauts fonctionnaires, plein d'analyses pertinentes et de propositions bien intentionnées : l'ouvrage du club Jean-Moulin qui a pour titre «les Citoyens au pouvoir» (1).

Un maire français, notent tout d'abord les auteurs, met un minimum de deux ans pour réunir les trois autorisations ministérielles sans lesquelles il ne peut mettre en chantier une nouvelle école (durée de la construction elle-même : trois à six mois). Il en va de même pour un hôpital.

Un proviseur de lycée doit supplier vainement, pendant des mois, l'administration centrale pour obtenir le remplacement d'un professeur malade, alors qu'il a un suppléant qualifié sous la main, dans la localité même.
Il n'est pas rare qu'un administrateur d'hôpital doive fermer un service spécialisé, doté d'équipements coûteux et rares, faute d'autorisations pour engager deux infirmières.

La raison de cette extraordinaire paralysie bureaucratique ? C'est d'abord le fait que la France compte 38 000 communes, habitées en moyenne par 1276 personnes; alors que la Grande-Bretagne, où la démocratie communale est réelle, compte 1354 communes en tout, et que la population minimale en deçà de laquelle une commune est incapable d'organiser et de financer sa vie collective est d'environ 8 000 personnes.

Les antennes

Si les communes françaises sont trop petites et trop nombreuses pour- être viables, c'est que l'Etat, sous la Ire République déjà, se méfiait si fort des corps intermédiaires qu'il préféra des municipalités nombreuses, faibles et dépendantes, à des communautés relativement autonomes.

Cette dépendance des collectivités locales à l'égard du pouvoir central est encore aggravée par le système fiscal : l'impôt local ne permet aux communes françaises d'autofinancer que 20% de leurs investissements. Pour le reste, elles sont tributaires d'emprunts et de subventions de l'Etat. Si bien que l'initiative et la démocratie locale sont proprement impossibles : pour être un «bon» conseiller municipal ou un «bon» maire, il faut avoir ses antennes et ses entrées dans divers ministères parisiens, afin de pouvoir y décrocher des routes, collèges, hôpitaux, maisons de retraite, etc., au frais de l'Etat. Bref, le système actuel favorise les rapports de «clientèle» entre les populations locales et des notables politiques tout à la fois quémandeurs, protestataires et dévoués à leurs protecteurs gouvernementaux.
A l'échelon supérieur, celui du département, la situation est pire encore : les neuf dixièmes d'un budget départemental vont à des dépenses obligatoires, définies par des règles centrales dont le préfet contrôle l'application, si bien que la marge d'initiative de l'assemblée départementale élue (le conseil général) est voisine de zéro.
Ainsi, les deux assemblées les plus proches des citoyens sont pratiquement impuissantes et incapables de s'acquitter de leurs grandes tâches : façonner le cadre de vie de la cité, dans un dialogue permanent avec la collectivité locale; développer les potentialités culturelles, économiques, physiques; contribuer à la formation non pas de notables politiciens, manoeuvriers et quémandeurs, mais d'administrateurs doués d'imagination et d'initiative, ayant leurs racines dans la population locale, sachant interpréter ses besoins et mobiliser ses énergies.
La faiblesse des partis politiques français (faiblesse aussi bien numérique qu'intellectuelle) est la conséquence d'un système qui décourage et détruit les élites locales, faute d'offrir un champ à leur militantisme et à leur civisme.

Décolonisation
Au niveau de la région, qui offre les meilleures possibilités pour définir et pour planifier l'avenir d'une population unie par la tradition et la culture, l'assemblée élue n'existe plus : les commissions de développement régionales sont des organismes bureaucratiques, leurs délibérations sont secrètes. Ainsi, comme le note M. Edgard Pisani, dans une étude inspirée de celle du club Jean-Moulin, les assemblées locales élues sont sans pouvoirs positifs, tandis que les organismes régionaux, dotés de pouvoirs importants, ne sont pas élus.

Le club Jean-Moulin propose donc, judicieusement, une France de 2 000 communes et de 12 régions. Aux «communes élargies» (d'environ 8 000 habitants au moins) et aux régions, il propose de transférer, dans le cadre d'une réforme fiscale, 23 milliards (lourds) de ressources annuelles, collectées jusqu'ici par l'État, afin qu'elles deviennent réellement autonomes en matière d'urbanisme, d'équipements collectifs et, surtout, d'éducation. Le développement culturel, scolaire et (dans toute la mesure compatible avec les options du plan central) économique, devra être débattu et décidé par des assemblées régionales élues.

Nous y voilà enfin. Il s'agit de «décoloniser la province» en commençant par démocratiser les régions. Leur développement économique a beaucoup de chances de suivre. Car, comme le notait Michel Rocard dans un rapport de la Rencontre socialiste de Grenoble, «le développement régional ne se résume pas en créations d'usines, ni en fusions de communes, ni même en grands travaux. Il consiste à donner à la vie régionale, par la volonté des hommes qui - au lieu d'émigrer à Paris quand ils ont de l'ambition - pousseront leurs racines sur place, une intensité telle que le développement économique sera le résultat de cette tension générale des énergies».
Le club Jean-Moulin serait sans doute d'accord. Mais, si l'on cherche dans son étude une énumération des douze régions, pourtant annoncée dans le titre, on éprouvera une grosse surprise : aucune région n'est nommée; seules sont citées les «métropoles d'équilibre» qui les animeront. Et, parmi ces métropoles, on cherchera en vain la ville de Rennes. La «censure» au sens freudien a joué pleinement. Les fonctionnaires auteurs de l'ouvrage ont «oublié» Rennes : cette réalité innommable, scandaleuse, tabou qu'est la Bretagne n'a pu passer le seuil d'une conscience de fonctionnaire central, pas même par le biais de sa capitale.

La source

Pourtant, si l'on n'ose nommer ces entités, culturelles avant d'être régionales, que sont la Bretagne, la Corse, l'Alsace, la Lorraine, le pays occitan, le pays basque, le pays catalan, les pays de la Loire, etc., les régions françaises n'auront jamais de chair sur leur squelette. Ce qui doit frapper dans l'article d'Yvon Le Vaillant, c'est l'énergie, le dévouement, l'esprit de sacrifice que les Bretons (mais la même chose pourrait être dite des Occitans, par exemple) sont capables de développer pour recouvrer une personnalité régionale. La création de régions avec leurs assemblées élues et leurs larges pouvoirs culturels, éducatifs, économiques, sera un facteur de développement précisément parce qu'elle permettra de canaliser vers des objectifs positifs ces énergies qui ont leur source dans l'attachement orgueilleux des hommes à leur pays et leur culture, qui, partout, sont la région avant d'être la nation.
Dans une France qui, sur ses 21 régions actuelles, en compte 17 qui déclinent et d'où la population émigré; qui, en 1965, consacrait en subventions à la RA.T.P. une somme quatre fois supérieure aux aides à l'industrialisation reçues par la Bretagne en dix ans, la faillite du centralisme est si bien attestée par le sous-développement de la «province», que la «révolution régionaliste» commence d'apparaître à tous les groupements de gauche comme le remède à explorer, après l'échec de tous les autres.

(1) Voir l'article d'Yvon Le Vaillant : «Les Fellagha bretons».

Michel Bosquet

Le Nouvel Observateur


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"Argiaren abiadura soinuarena baino bizkorrago delakotz, batzu disdiratzu dira pito hutsak direla egiaztatu arte"


"C'est parce que la vitesse de la lumière est supérieure à celle du son
...que certains paraissent brillants avant d'avoir l'air con"

"Por ser superior la velocidad de la luz a la del sonido, algunos parecen brillantes antes de resultar estùpidos"

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