mercredi 9 avril 2008

Tibet et la Chine www.solidaire.org du mercredi 09 avril 2008

Le Tibet en Chine, et dans le monde

Certains journalistes et voyageurs estiment que le progrès social atteint au Tibet ces trente dernières années est exceptionnel. Mais pourquoi alors, ces violentes révoltes ?

Jean-Paul De Simpelaere

Dans une école de Lhasa, une petite fille lit dans son livre en tibétain. Dans l'enseignement primaire et secondaire, le cours de tibétain fait partie du programme de base. (Photo Xinhua)

Les Tibétains de Chine et les Tibétains d'ailleurs
Presque six millions de Tibétains vivent aujourd'hui en Chine. Soit presque trois fois plus qu'en 1952. Grâce à une meilleure alimentation et à de meilleurs soins de santé, la mortalité infantile, par exemple, a été réduite de 50 % et se situe aujourd'hui au-dessous de 10 morts pour 1 000 naissances. Pour les Tibétains, la règle d'un seul enfant par famille n'était pas de mise non plus.
Aujourd'hui, 120 000 tibétains vivent à l'étranger. Ce sont surtout des familles d'anciens grands propriétaires terriens. Ils ont fui le Tibet en 1959 par crainte de la réforme agraire et à l'issue d'une insurrection avortée qui avait été équipée en armes et en instructeurs par la CIA américaine (voir second article).

Les Tibétains au Tibet et les Tibétains ailleurs en Chine
Au Tibet, à peine 300 000 non-Tibétains vivent sur une population de trois millions d'âmes. Cette région autonome a reçu ses frontières provinciales au 18e siècle, sous la dernière dynastie impériale chinoise. Depuis des siècles, des Tibétains vivent également dans les régions limitrophes , en nombre à peu près équivalent à la population tibétaine même. Mais, depuis des siècles, ces régions sont également habitées par une grande diversité de peuples . Le dalaï-lama réclame également ces régions comme faisant partie du Tibet ou du Grand Tibet, même si lui et ses prédécesseurs n'y ont jamais eu le moindre pouvoir politique . Il veut chasser de ces régions les Chinois han et hui et y adjoint même un chiffre : 7,5 millions! Selon lui, la raison est que « les Tibétains sont devenus une minorité dans leur propre pays ». Alors qu'ils l'ont toujours été dans le « Grand Tibet ». Le dalaï-lama veut donc une expansion territoriale, mais également une épuration ethnique.
Dans une interview à Der Spiegel, le 26 mars 2007, le dalaï-lama déclare : « Le combat pour le Tibet est une lutte entre deux groupes ethniques. Cette lutte se poursuivra encore après ma mort. »

Le Tibet, une colonie ?
En règle générale, une colonie enrichit son colonisateur. Mais les caisses centrales de la Chine ont toujours complété le budget du Tibet, à 90 %, même, ces dernières années. Pourtant, l'économie du Tibet fonctionne comme suit : ce qui est produit localement alimente les caisses locales. Il n'est nullement question de pillage des matières premières, comme on le prétend souvent. Le Tibet suffit à ses besoins sur le plan alimentaire, bien que ce n'ait pas été facile à réaliser à ce niveau, avec une population qui a triplé. La production de légumes, surtout, a augmenté grâce au subventionnement de serres.
Les colonies créent normalement des pauvres aussi, mais, au Tibet, le nombre de pauvres a régressé (de quelque 50 % en 1978 à 4 % en 2000) . Un salaire minimal de subsistance a été instauré pour les paysans et bergers pauvres. La minorité des nomades regarde aujourd'hui la TV grâce à des panneaux solaires fixés à leurs tentes. L'enseignement est gratuit, la médecine aussi.

Les Chinois han au Tibet
Les premiers universitaires tibétains ont quitté les facultés dans les années 1980 car, jusqu'en 1959 – lorsque le dalaï-lama est parti en exil –, il n'y avait pas d'écoles en dehors des monastères. Pour la modernisation du Tibet, on a envoyé sur place des techniciens et managers han. Cette différence n'a pas encore disparu, bien qu'aujourd'hui, les trois quarts des cadres sont tibétains. Mais il n'y a pas de chômeurs han, au Tibet. Rien que des Tibétains. Pourquoi ? Les techniciens et commerçants han ne viennent au Tibet que dans la perspective de trouver un emploi. Parmi la population tibétaine, il y a un surplus de main-d'œuvre non spécialisée – 450 000 – en provenance des régions agricoles, pour lesquelles, désormais, on libère des budgets destinées à améliorer l'éducation. Sans aucun doute, le chômage constitue-t-il un bon creuset pour le courant antichinois.