samedi 26 avril 2008

TLAXCALA : "Ce sont les démunis du monde qui paient l'addition"]



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Sujet: Fw: TLAXCALA : "Ce sont les démunis du monde qui paient l'addition"
Date: Sat, 26 Apr 2008 21:14:27 +0200
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Les prix de l’alimentaire augmentent dans le monde entier. Au vu de quelques relations de cause à effet : la solidarité entre tous les hommes s’impose

"Ce sont les démunis du monde qui paient l’addition"


AUTEUR: Karl MÜLLER

Traduit par Boris Carrier, révisé par Michèle Mialane et Fausto Giudice



Le documentaire allemand Septemberweizen (Blé de septembre) a été diffusé pour la première fois en 1980. Ce film montre entre autres comment les spéculateurs fixent à la Bourse du blé des USA le cours mondial de cette denrée ; il ne s’'agit pas de garantir un approvisionnement au plus juste prix mais bien de maximiser les profits. C'était il y a presque trente ans.

Le film Le cauchemar de Darwin, lui, ne date que de quatre ans. Il montre comment la Tanzanie, un pays africain autrefois riche en poisson, a été plongée dans la misère et la famine, entre autres par l’UE. Le nouveau « pactole poissonnier » dont dispose désormais le pays (une monoculture de la perche du Nil introduite artificiellement et qui fait disparaître toutes les autres espèces de poissons) est exporté vers les riches pays occidentaux, et le pays est devenu lui-même « par compensation » une plaque tournante du trafic des armes utilisées dans les guerres en Afrique.


http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=58435.html
http://www.commeaucinema.com/film=le-cauchemar-de-darwin,37204.html

Quels sont les tenants et les aboutissants de la flambée des prix alimentaires depuis deux ans ? Les quelque 850 millions d’êtres humains déjà victimes de la faim et de la malnutrition doivent-ils s’attendre à une nouvelle aggravation de leur situation ? Des millions d’autres sont-ils menacés de famine ? « Un pour cent d’augmentation des prix alimentaires met en péril la subsistance de 16 millions d’êtres humains supplémentaires », affirme Heidemarie Wieczorek-Zeul, ministre allemande de l’Aide au Développement.


Cameroun, février 2008 Haïti, avril 2008

Des émeutes de la faim un peu partout dans le monde

Une grève générale contre la hausse exorbitante du prix du pain (35% en un an) devait avoir lieu en Égypte le week-end dernier. La police a étouffé dans l’œuf les manifestations prévues. Il y a eu des morts et de nombreux blessés parmi les manifestants

En Égypte - avec Israël l’allié le plus inconditionnel des USA au Proche-Orient - plus de 30% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Dans les quartiers défavorisés du Caire, les gens font souvent la queue pendant des heures pour obtenir quelques galettes de pain. La viande est inaccessible pour les pauvres. Ils doivent s’estimer heureux quand ils réussissent à se procurer des carcasses de poulets déjà consommés. La croissance économique ( 7 % aux dernières nouvelles) n’a aucune retombée chez les pauvres. L’Égypte, autrefois grenier à blé de l’Afrique, est actuellement tributaire des importations alimentaires. Dans le pays lui-même le marché alimentaire est aux mains de quelques monopoles qui dictent les prix.

À Haïti, dans les Caraïbes, au moins trois personnes sont mortes la même semaine sous les balles des soldats onusiens qui occupent le pays par la volonté du gouvernement usaméricain, lors de manifestations contre les prix élevés des denrées alimentaires. La contestation perdure et a abouti entre-temps à la démission du gouvernement.

80% des habitants d'Haïti vivent avec moins de 2 dollars par jour. Les prix du riz, des haricots, des fruits et du lait condensé ont augmenté de 50 % en un an, celui des pâtes de 100 %. Beaucoup d'Haïtiens ne peuvent plus se nourrir ni nourrir leur famille. Après les accords de libre-échange avec les USA, le riz à bas prix en provenance des USA avait inondé le marché. Au début, la population des villes a semblé en tirer bénéfice. Mais les riziculteurs haïtiens n’ont pu résister à la concurrence et ont émigré vers les villes. Maintenant que le prix du riz a augmenté de façon exorbitante, il est difficile de trouver rapidement des gens en mesure de produire le riz nécessaire à un prix accessible.


Source : Libération & FAO, 14 Avril 2008

Les prix alimentaires mondiaux ont flambé

Ces derniers mois, les prix alimentaires mondiaux ont flambé. Selon un rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les cours internationaux du blé, qui représente avec l’eau l’un des principaux aliments de base dans le monde, se situaient en janvier 2008 à 83% au-dessus de leur niveau de l’année précédente. Quant au riz, qui constitue la nourriture de base en Afrique et en Asie, ses prix ont subi une hausse parfois plus importante encore. Dans certains des pays africains importateurs de riz, la hausse a dépassé en quelques mois les 40%. Le prix à l’exportation du riz thaïlandais est passé entre janvier et mars de cette année de 365 dollars à 562 dollars la tonne, selon les dernières données de la Banque Mondiale.

L’indice des prix calculé par la FAO pour l’ensemble des denrées alimentaires était en mars 2008 supérieur de 57 % à celui de l’année précédente. Et de 220 % par rapport à la moyenne annuelle des années 1998-2000.

Ce qui dans les pays occidentaux peut s’avérer douloureux pour les revenus moyens, voire alarmant pour le nombre sans cesse croissant des pauvres, représente dans la plupart des pays en voie de développement une menace pour la survie d’êtres humains déjà régulièrement victimes de famines. Les émeutes de la faim se sont généralisées dans le monde. Il y en a eu ces dernières semaines au Mexique, aux Émirats Arabes Unis, au Yémen, en Indonésie, au Pakistan, en Ouzbékistan, en Guinée, en Guinée-Bissau, au Maroc, au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Cameroun, au Mozambique, en Côte d’Ivoire…

Les projets d’aide aux populations affamées menacés

Le 20 mars le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) a déclaré qu’il lui fallait 500 millions de dollars supplémentaires en raison de la forte augmentation des prix de la nourriture et qu'il s'était adressé de ce fait fin février à tous les gouvernements du monde pour obtenir une aide d’urgence. Si l’on ne parvenait pas à réunir ce montant, il faudrait éventuellement rationner les aides alimentaires. Depuis juin 2007 il a fallu débourser 55% de plus pour les achats d’aliments indispensables.

Les réserves mondiales de céréales ont atteint leur niveau le plus bas depuis les années 80. Les stocks sont épuisés entre autres parce qu’au cours de ces dernières années des terres arables ont été laissées en jachère à l’échelle planétaire alors que parallèlement les besoins en céréales pour la production de viande ont énormément augmenté. Les réserves s’épuisent rapidement.

Fin février Caritas International a averti que l’augmentation des prix alimentaires menaçait ses projets d’aide en Afrique, Asie et Amérique latine. Les récentes évolutions du marché mondial compromettent maints financements : cantines scolaires, aide alimentaire aux réfugiés et compléments alimentaires pour les malades du SIDA . Le responsable de Caritas International met en garde : « Les céréales sont devenues un objet de spéculation. Ce sont les démunis du monde qui paient l’addition».

Quelles sont les causes de cette flambée des prix alimentaires ?

La revue autrichienne Südwind (Vent du Sud) a dressé un premier tableau dans sa livraison de février 2008.

• L'aggravation constante des prix alimentaires, l’industrialisation de l’agriculture et la politique d’exportation agricole des pays riches industrialisés ont ruiné non seulement la petite agriculture de subsistance dans les pays industrialisés, mais surtout celle des pays en voie de développement. Ces pays dont certains étaient autrefois exportateurs de nourriture sont désormais tributaires des importations. Même s’ils continuent, sous la pression internationale, à produire des denrées alimentaires, il s’agit le plus souvent de monocultures destinées à l’exportation qui ne correspondent en rien aux besoins de la population autochtone. Ces pays doivent à présent payer l’addition pour le « marché mondial » imposé par l’industrie agro-alimentaire.

• La consommation de viande qui continue à croître, désormais aussi dans les pays émergents, a considérablement accru la demande d’aliments pour le bétail. Un kilo de viande nécessite plusieurs fois son équivalent en calories végétales, qui fera ensuite défaut ailleurs.

La production, lancée à l'échelle planétaire, de prétendus biocarburants (prétendus parce que ces carburants sont plus nuisibles que bénéfiques à l’environnement) a détourné et fondamentalement transformé la production agricole. Aux USA, en 2007, 20% de la surface agricole étaient déjà détournés au profit de la production d’éthanol. Le business allemand a conclu avec le Brésil des contrats considérables afin d’investir dans le marché de l’éthanol en rapide croissance et d’en profiter. Cette utilisation des denrées alimentaires se heurte actuellement à une critique de plus en plus large. Caritas International a publié à ce sujet un nouveau livre: « Réservoirs pleins et assiettes vides . Le prix à payer pour les agrocarburants: faim, déportation, destruction de l’environnement ».

• La forte augmentation des prix du pétrole a accru les coûts de transport des denrées alimentaires. Un facteur important quand on prend la mesure des distances parcourues par ces denrées dans le cadre du «marché mondial ». Par ailleurs les pays en voie de développement sont doublement touchés : par l’augmentation du prix des denrées alimentaires ET de celui de l’énergie.

• Les engrais dérivés du pétrole ont énormément augmenté et coûtent à présent deux fois plus qu’en 2005.

L’augmentation constante des prix procure des gains substantiels aux spéculateurs boursiers… aux dépens du reste de l’humanité

La revue Südwind n’a pas encore mentionné ceux qui spéculent sur les prix alimentaires pour se faire un maximum d’argent. La crise financière mondiale a en effet entraîné le détournement de sommes astronomiques vers les fonds spéculatifs. Des montants considérables sont investis non seulement dans les marchés de l’or et de l’énergie, mais aussi dans ceux de l’alimentaire. On peut lire dans la « Neue Zürcher Zeitung » (Quotidien de Zurich) du 11 avril : « Depuis que les titres garantis ne sont plus négociables, les investisseurs et les traders se sont littéralement précipités sur les marchés des matières premières. Les variations du prix des produits agricoles socialement sensibles (les aliments de base, NdT) reflètent de plus en plus la manipulation du marché et les attentes des spéculateurs. L’hebdomadaire suisse WOZ (die Wochenzeitung, hebdo de gauche) signalait le 3 avril que la banque néerlandaise ABM Amro, par exemple, faisait la promotion par annonces dans les journaux de ses « produits financiers structurés » dans le secteur agricole : «Plusieurs raisons plaident en faveur d’un investissement : la stagnation des terres consacrées à l’agriculture au niveau mondial, la nette croissance de la population mondiale, le changement des habitudes alimentaires dans les pays émergents ainsi que l’augmentation constante de la demande en biocarburants.» Autrement dit : « Excellente » conjoncture pour une hausse durable des prix et des gains substantiels… aux dépens du reste de l’humanité.

Manipulation et intox dans le débat public

Il faut cependant s’attendre aussi à des manipulations et à de l’intox dans le débat public concernant cette évolution. Par exemple : le PDG de Nestlé Peter Brabeck voit la solution au problème dans l’extension à l'échelle mondiale de la nourriture transgénique (genfood), de même que le Premier ministre britannique Brown, et comme précédemment le Président Bush. Ce faisant on escamote le fait que l’adoption du projet transgénique placerait l’alimentation mondiale sous le contrôle de l'entreprise US Monsanto. On passe aussi sous silence les lourdes retombées que pourrait avoir sur la santé humaine la nourriture transgénique.

Le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, (détaché et nommé par le président US) se prétend également alarmé par l’augmentation constante des prix alimentaires mondiaux,dont il attend qu’elle se poursuive dans les années à venir. Se profilerait alors la menace d’une montée importante de la pauvreté. Mais les solutions avancées par Zoellick comprennent l’extension du « libre échange » des produits agricoles… une proposition dont le monde a déjà expérimenté les conséquences dévastatrices. Il prévoit en outre d’accentuer l’emprise de la Banque mondiale sur le commerce des produits agricoles dans les pays en développement par le biais de ses crédits , qui se concentreraient sur des projets agricoles, alors que beaucoup de pays en développement ont préféré se tourner vers des banques de développement régionales ou la Chine pour réaliser les projets d’infrastructures que contrôlait jusqu’ici la Banque mondiale. Car la plupart des pays en développement savent désormais très bien ce que cela signifie d’être financé par la Banque mondiale. Pour juger du sérieux des propos tenus par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) à l’occasion de leur séance commune de printemps à Washington, exprimant leurs inquiétudes relatives à l’augmentation des prix alimentaires, ainsi que de l’aide qui sera réellement accordée aux populations touchées, il convient donc d’attendre un peu.

Tous concernés

L’augmentation des prix alimentaires ne s’arrête pas aux frontières. Même la Russie et la Chine sont concernées. En décembre de l’année dernière, déjà, l’agence de presse russe RIA Novosti signalait que les prix alimentaires en Russie avaient augmenté de près de 14 % en 2007, et en Chine le prix de la viande de porc, très prisée dans ce pays a augmenté de 56 %. Globalement, en Chine, le prix des denrées alimentaires a augmenté de 18 %.

Pour finir : chez nous aussi il devient difficile de se nourrir. En Allemagne, par exemple, 800.000 habitants de grandes villes vivent actuellement du « glanage », c’est à dire des produits périmés des supermarchés.


"Arrêtez de voler notre eau" : Inde, décembre 2004

Solidarité entre tous les hommes plutôt que la bagarre et la guerre pour l’eau et la nourriture

Que faire pour s’en sortir ? En premier lieu il s’agira d’éviter que les habitants de cette planète se laissent dresser les uns contre les autres, et jeter dans des bagarres et des guerres pour le pétrole, l’eau ou la nourriture. Tous les êtres humains dans le monde entier ont un droit inaliénable à la nourriture. Un droit fondamental ne peut ni ne doit être sacrifié à l’appétit de profit et de pouvoir d’une petite minorité. Il est compréhensible et légitime de refuser une telle attitude. Mais rétablir la situation suppose une solidarité entre tous les êtres humains, qui transcende les frontières et les continents. Et exige que les solutions proposées respectent la dignité des personnes concernées.

PS : Les dépenses militaires mondiales se sont élevées en 2007 à plus d’un billion de dollars, autrement dit mille milliards : telle est la folie actuelle de notre monde. Mille milliards de dollars (627 milliards d'Euro) qui ont été volés à l’humanité par les gouvernements et les Parlements, et qui feront de plus en plus amèrement défaut.


La lutte paie !

L’'exemple du Maroc


F Les émeutes de Sefrou montrent le désarroi du "Maroc inutile"

F La hausse du prix du pain annulée à la suite de manifestations populaires



Après les émeutes de la faim, des émeutes de l'eau ?

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté hier à Dhâkâ, capitale du Bangladesh contre une pénurie d'eau potable. Les manifestants ont ainsi bravé l'interdiction de ce type de rassemblement prononcée par les autorités du pays.

L'eau vient à manquer au Bangladesh. La population déjà touchée par la crise alimentaire se voit de surcroit privée d'eau potable en raison d'une conjonction de facteurs. En effet, à la baisse du niveau des nappes phréatiques due au manque de précipitations dans le pays, viennent se greffer des problèmes électriques.

Ces problèmes rendent le pompage de l'eau compliqué. De nombreuses pompes à eau restent soit à l'arrêt total, soit elles ne peuvent fonctionner à leur pleine capacité.

Cet état de fait a conduit des centaines d'habitants de la capitale a descendre dans les rues, munis de jerricans à eau, et réclamant la fin de cette pénurie d'eau potable. Selon, Mohammad Salam, un habitant de Dhâkâ interrogé par Reuters, "la situation empire chaque jour. Nous faisons la queue pendant des heures pour de l'eau".

Une source officielle confiait par ailleurs à l'agence de presse que l'organisme chargé de la distribution d'eau potable dans la capitale fournit quotidiennement 1,5 milliard de litres d'eau alors que la demande est de 2,25 milliards de litres. C'est désormais l'armée qui supervisera la distribution d'eau potable dans la ville.

Source : Enviro2B, 24 Avril 2008


Source : Zeit-Fragen

Article original publié le 14 Avril 2008

Sur l’auteur

Boris Carrier, Michèle Mialane et Fausto Giudice sont membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, les réviseurs et la source.

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